Un Homere bourgeois s’est empare, ils font deux cents annees, de heros aussi celebres qu’Ulysse et Agamemnon, mais dont l’histoire etait restee confiee a la memoire des simples et des enfans.

Un Homere bourgeois s’est empare, ils font deux cents annees, de heros aussi celebres qu’Ulysse et Agamemnon, mais dont l’histoire etait restee confiee a la memoire des simples et des enfans.

Cela a dit leurs aventures dans une serie de petites epopees populaires qui paraissent des ?uvres de genie, si l’on souhaite beaucoup admettre qu’il y a des genies de toutes les tailles et que celui de Perrault est le Petit-Poucet d’la famille. Des histoires semblables a des reves ont pris, sous une plume, un air de realite. Il a condense des fantomes indecis en figures vivantes et inoubliables. Cela a cree des types immortels comme don Juan ou comme Hamlet, moins grandioses, puisque ses heros s’appellent Cendrillon et Barbe-Bleue, ayant garde toutefois de leur long sejour dans la legende un parfum de mystere et une exquise saveur poetique. Il a su respecter dans des contes de nourrice l’?uvre bien des fois seculaire de l’imagination des foules ; s’il a precise la tradition orale, s’il y a ajoute des idees de lettre ou des details retourne a l’existence du XVIIe siecle, il l’a si peu alteree, que Notre science moderne croyait surprendre dans ses recits un reflet en pensee de l’humanite primitive et reconnaitre des divinites aryennes dans Peau-d’Ane et la Belle au Bois dormant. Cela a fera bien i§a en se jouant, ainsi, limite en se cachant, n’etant gui?re evidemment qu’il fut digne d’un academicien d’ecrire sous J’ai dictee ma Mere l’Oye. C’est i§a pourtant, la commere venerable, qui possi?de mene Perrault a J’ai gloire. C’est a elle qu’il devra l’immortalite, votre n’est pas au poeme de Saint Paulin, ni a toutes les Hommes illustres, ni meme au Parallele des Anciens et des Modernes. Le jour ou une telle Academie francaise, a laquelle il craignait de manquer de respect en signant le Chat Botte, a voulu lui rendre un juste hommage, elle n’a nullement demande l’Eloge de Perrault, mais celui des Contes de Perrault.

Jamais homme, pourtant, ne paraissait moins destine par la nature a redire avec ingeniosite des trucs difficiles a croire. Ils etaient quatre freres, l’ensemble de quatre petris d’esprit, mais encore plus irreverens, nes avec le don d’la parodie, curieux d’idees nouvelles, possedes de la passion de bien saisir, gais, actifs, au demeurant les plus honnetes chefs d’entreprise de l’univers. Dans un jeunesse, trois d’entre eux s’etaient amuses avec de grands eclats de rire a travestir le sixieme livre de l’Eneide. Nicolas, qui fut depuis theologien, docteur en Sorbonne et janseniste, faisait nos vers avec Charles ; et Claude, a qui l’on devra la colonnade du Louvre, illustrait le manuscrit de dessins a l’encre de Chine.

Ce n’etait qu’une espieglerie et Charles n’etait alors qu’un ecolier, mais il n’entra jamais plus avant dans l’intelligence des anciens.

L’ame antique ne se revela point a lui. Cela n’eut jamais le sens en poesie heroique, parce qu’il n’eut jamais celui des temps heroiques. Cela comprenait trop beaucoup des beautes du palais de Versailles et il les placait trop bas dans le admiration, pour faire grand cas d’la chambre nuptiale construite via Ulysse a grands coups de hache. Cela avait une foi trop profonde aux merites incomparables du siecle poli ou il vivait, Afin de s’interesser aux deux civilisations qui lutterent sous des murs de Troie et qui lui paraissaient toutes deux d’effroyables barbaries. Le jeune auteur de l’Eneide burlesque devint sans secousse, en suivant sa pente naturelle, le coryphee des d’aujourd’hui dans leur fameuse querelle au milieu des partisans des anciens. Cela etait fidele a lui-meme lorsqu’il lisait a l’Academie, le 27 janvier 1687, le petit poeme intitule le siecle de Louis le Grand, ou il declarait qu’il avait manque a Homere d’apprendre la mesure et la politesse a la cour de Versailles :

Cependant si le ciel, favorable a J’ai France, Au siecle ou nous vivons eut donnes ta naissance, Cent defauts, qu’on impute au siecle ou tu naquis, Ne profaneraient nullement tes ouvrages exquis.

Des l’annee suivante, Perrault publiait le premier volume du Parallele des Anciens et des Modernes. Le quatrieme et dernier ne parut qu’en 1698, apres nos Contes.

Cela semblait ardu d’etre plus en gali?re prepare a parler naivement des ogres et des fees. Perrault avait d’ailleurs passe la soixantaine lorsqu’il s’avisa de devenir leur historien, et c’etait trop loin de l’age heureux ou l’on croit y croire, pour qu’il put rappeler avantageusement ses souvenirs. Il etait donc en grand danger d’ecrire des Contes de fees raisonnables, s’il n’avait tant aime les enfans. Sa tendresse pour eux fut le salut.

On a dit qu’il avait fera ses Contes en collaboration avec le petit garcon, Darmancour, sous le nom duquel ils parurent d’abord ; ainsi s’expliquerait votre melange singulier et delicieux « en sagesse du vieillard et de la candeur de l’enfant, » qui etonnait Paul de Saint-Victor et lui paraissait une enigme. L’anecdote reste assurement vraie, a condition d’en elargir le cadre et d’y faire entrer des camarades du petit Darmancour, ces jeunes auditeurs au cou tendu, a toutes les yeux brillans, concernant qui Perrault observait nos effets de ses histoires merveilleuses : « On nos voit, disait-il, dans la tristesse et dans l’abattement tant que le heros ou l’heroine du conte seront au malheur, ainsi, s’ecrier de joie quand le temps de un plaisir arrive. » Perrault a eu pour collaborateurs tous les petits qu’il a fera rire et pleurer avec les malices du Chat Botte et J’ai fin tragique du petit Chaperon Rouge. C’est ainsi flirthookup appli qu’un vieillard et un enfant parlent tour a tour au sein des Contes ; chacun corrige l’autre et le complete.

La tendresse de Perrault pour l’enfance se melait d’un bel respect, qui lui faisait deviner les secrets besoins des jeunes ames. Il sentit ainsi obscurement que le gout des enfans pour le merveilleux reste le germe precieux qui s’epanouit apri?s en fleur de poesie ainsi que foi et, de peur de l’etouffer d’une main sacrilege, il se garda de trop faucher dans le surnaturel une legende. Il se contenta d’epurer le fantastique des vieux contes populaires, il apprivoisa des monstres et les animaux auxquels le sauvage et le paysan attribuent volontiers des pouvoirs magiques et qui jouaient votre si grand role en vieux recits ma Mere l’Oye. Il les metamorphosa en fees tres grandes dames, qui portaient des robes d’la bonne faiseuse, ainsi, que l’on servait a table avec l’etiquette reservee sous Louis XIV aux princesses du sang. Mes meufs de l’antique Fatum apprirent a le ecole a faire la reverence de cour, et l’on a d’abord quelque peine a reconnaitre sous leur rouge les farouches Destinees a toutes les pieds d’airain.

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